mardi 11 mai 2010

du temps pour elle

une petite phase où ma petite grande à besoin de moi, de nous très certainement mais aussi de moi plus particulièrement.
Anna a été prise dans ses premières histoires de copines, pas évident de faire confiance quand on lui assure que ça passe, qu'Anaëlle reviendra, quel sourire hier sur son visage, assise près de son amie, elles étaient en train de jouer ensemble discrètement pendant l'appel... Ouf, j'avoue avoir eu peur, peur de lui mentir en lui assurant le retour de l'amitié. Peur que ce ne soit pas simple d'attendre. Peur qu'elle se sente exclue, seule. Peur qu'elle ne sache pas dire ce qu'elle veut, ce qu'elle pense, qu'elle se laisse faire pour plaire. Peur qu'elle pense que les choses doivent impérativement finir trop vite.
Anna a besoin d'aide aussi à dire ses colères, ses sentiments sur le moment, elle garde tout pour elle, puis explose avec la même force qu'une cocotte minute mais sans savoir mettre de mots. L'explosion ce sont des jours d'une violence incroyable dans ses mots, d'une agressivité qu'elle ne sait canaliser, d'angoisses qu'elle ne maitrise pas, de renoncement, de frustrations, de soupirs. Puis il y a ce moment qui survient enfin où elle donne une piste, aussi petite soit-elle, il nous faut la saisir pour commencer à dérouler le fil avec elle.
Anna se retient parfois longtemps, repense à des choses qui datent de bien plus longtemps, reparle de ce que je pensais oublié de sa mémoire. Je pense que cette petite fille a déjà eu 2 petites vies très différentes l'une de l'autre, un très gros virage a été pris, une autre voie et mine de rien si pour nous ça a été un gros chamboulement pour elle ça a du être un vrai tremblement de terre dans ses repères, elle n'avait pas les mots, elle aussi à quitter du jour au lendemain les visages familiers, ses murs, pour ne plus les revoir. Jamais. Aujourd'hui elle nous parle de certaines personnes, me surprend avec des souvenirs plus précis que moi de celui qui lui donnait à manger à la naissance d'Ange, de celle-ci qui la faisait rire et accompagnait ses premiers pas, de cet autre qu'elle charmait, de tables, de chaises qu'elle poussait pour réinvestir l'espace, d'un bar où elle jouait avec les bouteilles vides.
Nous ignorions ses souvenirs, nous ignorons aujourd'hui ce qu'elle sait de la peur du changement qui nous a traversé, de l'affrontement qu'on a eu avec sa grand-mère, avec son parrain, des doutes qui nous ont habité longuement, de cette incapacité à retourner sur ces routes là-bas pendant de très longs mois. Nous n'en savons rien, mais nous lui avons dit à quel point ça avait été un choix dur mais raisonnable, à quel point ça nous manque même si ça nous a rongé, à quel point c'était beau de construire pour elle, de partir pour eux après la naissance d'Ange, à quel point nous nous sommes donné pour vivre heureux et combien sa seule voix, son regard nous a permis de repartir ailleurs sans regret.
Aujourd'hui nous allons sur les plages de sa petite petite enfance, nous nous promenons dans les mêmes parcs, le long de mêmes rivières, nous traversons son premier village, avec le coeur léger, la nostalgie de ses premières fois. Nous pouvons parler de tout ça sans craindre d'en souffrir encore. Aujourd'hui, nous attendons, mais nous pensons vraiment revivre un jour cette vie aux mille visages qui passent, cette vie qui participent aux petits et grands événements des autres familles, Anna est née le jour où le restaurant accueillait ceux qui quittaient pour toujours une des leurs, Ange est né alors qu'un mariage se préparait dans ces murs là... C'était la routine d'Anna, s'inscrire dans l'intimité des uns et des autres, partager sa table, s'ouvrir à ceux qui dormaient là pendant des semaines, des mois... De là, je pense vient son côté "je me mets en scène", sa joie de vivre, sa fraîcheur... de là aussi vient un autre côté où elle se cache parfois. Nous avons essayé de le mettre en lumière avec elle, d'en ressortir tout ce qui fait que ça en valait la peine, espérons que nous ne la perdrons plus, espérons que dire ses souvenirs ne sera plus une crainte de blesser. Espérons qu'un jour, elle soit sûre que nous sommes en paix avec cette page là.

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